Avez-vous déjà croisé ce fruit étrange qui a la forme d’une poire et l’apparence d’une orange ?
De premier abord on pourrait s’interroger sur son origine… Volonté de créer une nouvelle variété de fruit par hybridation ? Projet fou d’un franckeindoctor en génétique qui aime tellement la poire et l’orange qu’il a souhaité les marier pour en faire un nouveau fruit : la poirange ?
Comme moi jusqu’à ce que je tombe sur cet étrange fruit, vous ignoriez probablement que la majorité des fruits que nous consommons au quotidien est issue d’une création variétale. Il s’agit d’une technique pratiquée par les agriculteurs depuis plusieurs décennies déjà.
Dès le 19ème siècle les scientifiques et quelques passionnés de la science de l’agriculture se sont intéressés à la création de nouvelles variétés de fruits. Les plus illustres d’entre eux réussirent à créer de belles poires , disparues aujourd’hui. Pour obtenir ces nouvelles variétés, ces personnages historiques ont utilisé le semis du hasard ou la pollinisation contrôlée.
Les différentes techniques de création des fruits
L’hybridation est la technique la plus utilisée pour créer de nouvelles variétés de fruits. Le procédé consiste à croiser deux parents par transfert de leur pollen. Attention, cela n’a rien à voir avec la manipulation des gènes ou les organismes génétiquement modifiés (OGM).
Avant d’aller plus loin essayons de faire la lumière sur les différentes techniques : croisement et hybridation restent naturelles, loin des OGM. En effet elles existent toutes deux depuis très longtemps grâce aux graines, à la pollinisation, aux abeilles et au vent. La main de l’homme et sa volonté de produire de nouvelles variétés sont intervenues dans le processus naturel pour le guider.
Le croisement :
Sur plusieurs générations, deux variétés différentes d’une même espèce sont fécondées pour obtenir un résultat mettant en avant telle ou telle autre qualité. C’est le principe de la sélection. Mais l’hybridation est aussi un type de croisement.
L’hybridation :
C’est un croisement mais deux espèces différentes (la poire et l’orange dans notre cas ?). Mais de surcroit la principale différence est que les nouvelles variétés obtenues sont stériles et non reproductibles (on ne pourra pas récupérer les graines pour obtenir le même résultat).
Les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) :
On modifie directement les gènes d’une espèce. Le terme est généralement associé à un organisme (animal, végétal, bactérie) qui a été modifié par des techniques de génie génétique. Ces techniques, réalisées en laboratoire, permettent d’ajouter de nouveaux gènes, ou de supprimer ou modifier des gènes déjà présents dans l’organisme, afin, généralement, de lui faire acquérir de nouvelles caractéristiques.
Un zoom sur l’hybridation
Dans notre cas de figure, c’est l’hybridation qui nous intéresse ici. Les deux méthodes d’hybridation les plus courantes sont l’hybridation interspécifique et l’hybridation intraspécifique. En fait croisement et hybridation sont regroupées sous ces deux appellations.
L’hybridation interspécifique
L’hybridation interspécifique est le croisement entre deux espèces différentes. Cette méthode de création et de diversification de fruits ou de plantes est la plus naturelle et la plus ancienne. Par exemple au 19ème siècle la céréale le triticale et né du croisement entre le blé et le seigle, héritant du rendement du blé et de la robustesse du seigle.
L’hybridation intraspécifique
L’hybridation intraspécifique est quant à elle le croisement entre deux variétés d’une plante d’une même espèce. Ainsi la fraise ananas ou pineberry est un croisement entre deux variétés de fraise).
Quelques exemples de variétés issues de l’hybridation et devenues populaires
C’est au Père Clément que l’on doit sans doute le fruit hybride le plus populaire, le nom de son découvreur vous aura probablement mis sur la piste : il s’agit de la clémentine.
La clémentine provient du croisement entre le mandarinier et l’orange douce, ce qui en fait un agrume dont les caractéristiques sont assez proches de la mandarine mais avec très peu de pépins.
C’est en 1902 que la clémentine a vu le jour près d’Oran en Algérie. Le Père Clément, chef des pépinières de l’orphelinat de Misserghin, découvre un arbre qui ne ressemble pas à ses mandariniers. En goûtant son fruit, il découvre un produit sucré, sans pépin et facile à éplucher. Un nouveau fruit issu d’un croisement naturel entre la fleur de mandarinier et le pollen d’oranger.
En 1925 la première clémentine corse apparaît. Un climat tempéré, des pluies régulières, des plantations en pente et en altitude, l’île de beauté offre des conditions climatiques et géographiques exceptionnelles. Ces conditions donnent un fruit à la couleur et au goût très appréciés de tous les connaisseurs. En 2007, la clémentine de Corse a obtenu une Indication géographique protégée (IGP).
D’autres variétés moins connues existent déjà : citron sanguin, pineberry, mûroise, tangelo, limequat,… et un fruit assez intriguant mais apparemment très rare, la banane indienne d’environ 9cm de longueur, qui serait auto fertile, résistante aux maladies et au froid.
Quelques variétés peuvent être trouvées chez certains pépiniéristes, comme la pêche blanche ou la pomme à chair rouge.
Les variétés F1 de nos jardineries
Si vous vous aventurez parfois dans les jardineries vous aurez surement remarqué le sigle F1 présent sur bon nombre de semences ou de plants. Il s’agit du code qui permet d’identifier les variétés de semences issues de l’hybridation.
C’est quoi une variété F1 ?
Leur particularité est qu’elles sont par définition non reproductibles. Vous ne pourrez obtenir les mêmes plants à partir des graines ou semences récupérés de vos plants. Ces semences F1 ont même envahies les rayons des jardineries puisque la grande majorité des semences et des plants sont désormais F1. Sauf à faire l’effort de se rendre dans des jardineries ou de se fournir chez des semenciers spécialisés dans les semences reproductibles.
Si on sème des graines issues de plantes F1, on obtient des descendants différents des parents. Les différentes fécondations vont faire des associations d’allèles (gènes) différentes. La variété n’est pas stable et donc non reproductible.
Quel intérêt des variétés F1 ?
Pour les producteurs professionnels, il est plus facile de produire des semences à la vigueur très homogène pour des levées très synchronisées afin de faciliter la plantation, le désherbage et les récoltes groupées. La plupart des maraîchers sont à la recherche de variétés faciles à produire et résistantes aux maladies pour respecter des cahiers des charges contraignants et avoir la possibilité de vendre leurs produits sur le marché.
Pour les semenciers, les variétés hybrides sont très lucratives. Elles ne requièrent pas de long travail de stabilisation ce qui signifie beaucoup d’économies. De plus, ils sont assurés de vendre autant de graines chaque année puisque les graines F1 ne peuvent pas être ressemées. Le jardinier amateur et les agriculteurs deviennent ainsi dépendants des semenciers.
Une variété F1 peut-elle devenir reproductible ?
Il est toutefois possible de fixer une variété F1 permettant de ressemer une année sur l’autre les graines en donnant à chaque fois des descendants identiques aux parents. C’est un travail de longue haleine : on laisse se reproduire les meilleurs individus issus du croisement initial (génération F1). A la 2ème génération, puis aux suivantes, on élimine les descendants non conformes aux attentes. La variété est stable lorsque tous les descendants sont identiques aux parents pour les deux caractères choisis : la génération est alors homogène. Il faut 8 à 10 générations pour fixer une variété. Ce travail de sélection peut prendre plusieurs années. Avec un peu de patience, on pourrait donc stabiliser une variété hybride F1.
Reproduire des graines est une liberté qui n’ a pas de prix car cela permet le maintien de la diversité.
Reproduire des graines est une liberté qui n’ a pas de prix car cela permet le maintien de la diversité.
Changer la forme des fruits : le moule à fruits
Une dernière technique qui ne touche ni aux gènes, ni au croisement, ni à l’hybridation : les moules à fruits et légumes. Le but recherché ici est de produire des légumes ou des fruits de toutes formes. Ce ne sont pas les caractéristiques intrinsèques de la variété que l’on va modifier mais seulement son aspect esthétique.
Le principe est simple, on contraint le fruit à prendre une forme lors de sa croissance. Il suffit de placer le moule sur le fruit en serrant bien les contours. Le fruit va se développer en suivant la forme du moule, de façon naturelle. Le moule doit rester en place sur le fruit jusqu’à ce que celui-ci prenne tout l’espace. Il faut ensuite retirer le moule en laissant le fruit poursuivre sa croissance. Il conservera la forme du moule !
Qu’en est-il de la poirange ?
Alors comment a-t-on obtenu notre fruit surprenant qui ressemble à une poire sur sa forme mais qui a l’aspect et la texture d’une orange ? Hybridation naturelle, assistée, OGM ?
Parfois la nature peut nous jouer des tours et se montrer espiègle.
Elle prouve aussi qu’elle se passe sans difficulté de la main de l’homme, car parfois le hasard fait bien les choses : une orange a simplement poussé sur l’oranger en prenant la forme d’une poire.
Aucune intervention extérieure. Il s’agit d’un fruit singulier qui a attiré mon regard sur l’étal de mon primeur favori.
Un fruit si singulier qu’il m’a donné envie de le photographier et de vous le partager. Cette orange était aussi délicieuse que ses consœurs, avec cette différence dans la forme qui en a fait toute sa singularité.
Comme quoi on peut trouver son bonheur dans la différence, et que la différence aussi se cultive !
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