Souvent oublié une partie de l’année, le saumon est régulièrement un des invités privilégiés de nos tables festives de fin d’année. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais depuis pas mal d’années j’avais cessé d’espérer déguster un bon saumon fumé… Trop gras, « rosé » à l’extrême, souvent écœurant à mon goût, finalement refusant poliment d’en consommer. Je me suis parfois laissé convaincre sans grande conviction avec un résultat toujours mitigé. Non décidément le saumon fumé devait être fâché avec mes papilles. La solution était-elle dans le choix du produit, celui du mode de distribution ? Et la sempiternelle question, à laquelle les amateurs comme les professionnels sont confrontés, s’est aussi posée : saumon sauvage ou saumon d’élevage ? Y avait-il un gage de qualité ?
Cet article a été rédigé initialement en 2016 dans un autre contexte, il a été remis à jour à l’occasion de cette nouvelle publication.
Pêche, élevage, transformation, distribution : toute une chaîne mise en cause
Le saumon sauvage même s’il est encore possible d’en trouver, a été longtemps surexploité et les stocks n’ont cessé de diminuer. Et même si dans la tête des consommateurs, le saumon sauvage est un poisson naturel, par conséquent plus sain qu’un saumon d’élevage, la réalité est toute autre : modifications de l’environnement, surpêche, pollution des océans, détérioration de son habitat en eau douce, perturbations de ses routes migratoires, il est aussi en haut de la chaîne alimentaire et se trouve donc surexposé niveau polluants.
Souvent associé à la Norvège ou à l’Écosse le saumon d’élevage quant à lui a été tout autant victime d’abus : antibiotiques, pesticides, rejets d’excréments, quantité non négligeable de poissons destinés à leur alimentation, elle-même souvent bourrée d’additifs. A ce sujet un reportage diffusé en 2013 sur France 2 dans Envoyé Spécial avait jeté un pavé dans la marre de l’élevage de saumon norvégien. Depuis les médias n’ont pas manqué de se faire l’écho des interrogations sur les conséquences sur la santé de la consommation de ce saumon « pollué » (un dossier intéressant ici qui a au moins l’avantage de citer ses sources). Bientôt OGM ? Cela est malheureusement probable car avidité et soif de profits s’appliquent aussi à l’élevage des saumons qui est une industrie intensive comme beaucoup d’autres. De là à généraliser et à mettre tous les éleveurs dans le même panier…
Sans compter que la pêche ou l’élevage ne font pas tout, les techniques utilisées pour la transformation du produit brut peuvent tout autant être sujettes à controverse : utilisation parfois abusive de saumure pour saler la chair avec pour effet de la faire gonfler et d’arômes pour donner l’illusion d’un fumage. Le résultat est rarement convaincant, même pour les palais les moins exigeants. Dernier élément de la chaîne, la distribution : il faut bien le reconnaître la grande majorité des consommateurs s’orientera vers le rayon réfrigéré de nos supermarchés au risque de se retrouver vite perdu devant l’abondance du choix et la saturation des linéaires.
Dans le meilleur des cas l’hésitation se fera entre label Rouge et label Bio. La guerre du saumon fumé a abouti à la domination des marques de distributeurs, qui se partagent les mêmes industriels de la transformation du saumon. Le seul élevage français de saumon s’est ainsi retrouvé lui aussi au cœur de cette volonté de multiplier toujours davantage le choix en matière de saumon fumé. A côté difficile pour les alternatives, si elles existent, de trouver leur place sur le marché. Mais heureusement, comme souvent la réalité est empreinte de diversité, d’originalité et parfois de bonnes surprises.
Une alternative au saumon fumé industriel
Face à ces linéaires de saumon fumé a-t-on encore le choix d’avoir le choix ? Peut-on encore espérer être consom’acteur en nous orientant vers des produits artisanaux, des petites industries artisanales locales, reflet d’un savoir-faire mais aussi d’un savoir être et surtout à dimension plus humaine ?
Adepte depuis plus de 10 ans d’un consommer local, je privilégie autant que possible les produits de proximité, même s’il faut avouer que pour certaines catégories cela relève de l’exploit. Au fil de mes pérégrinations j’ai pu tester plusieurs circuits courts, toujours curieux de découvrir de nouveaux producteurs. C’est la curiosité pour le vin qui, au hasard des liens présents sur certains sites de vignerons, m’a poussé en 2012 à rejoindre La Ruche Qui Dit Oui. Pour ceux qui ne connaissent pas encore, l’objectif est de mettre en contact producteurs locaux et consommateurs désireux de consommer autrement via un seul intermédiaire. C’est ainsi que les produits de la Maison Matthieu ont fait leur apparition sur ma table.
Du saumon fumé artisanal en Provence
C’est finalement une réflexion similaire sur la qualité des produits et de leur circuit de distribution qui a poussé Stéphane Chevé a créer Maison Matthieu :
Il y a quelques années, je m’emportais à nouveau à table, pestant contre le goût du saumon fumé. Ma compagne m’a alors dit : « on dirait ton grand-père ». Elle avait raison, comme lui, je m’indignais de ce que nous ne mangions pas que de (très) bons produits. J’utilisais les même mots « et pourtant c’est simple de faire du bon saumon fumé, il suffit d’en avoir envie ». J’en ai eu envie. Aujourd’hui, la Maison Matthieu c’est une équipe de passionnés, avec le même mauvais caractère que mon grand-père, et la même générosité. Il s’appelait Matthieu.
L’aventure Maison Matthieu a démarré en 2016, l’appel au financement participatif leur a permis d’agrandir leur atelier jusqu’à finir par s’installer ces dernières années sur Marseille. Et si je devais résumer leur philosophie je dirais qu’ils élaborent un saumon fumé artisanal pour tous et pour toutes les tables, avec l’envie de nous faire plaisir… tout simplement !
Les poissons salés doivent cesser de prendre toute la place sur votre table et votre palais. On voudrait qu’ils magnifient tout ce qui va les suivre et les accompagner. Trop de sel et la fumée agressive de bois puissants emportent bien souvent papilles gustatives et appétit. Nous préférons la finesse d’un salage équilibré, la fumée subtile des arbres fruitiers de Provence. Un bon saumon fumé, c’est d’abord un beau poisson. Ils grandissent chez les meilleurs éleveurs. Nous respectons le rythme de croissance naturelle des saumons. Ils vous sont proposés selon les cycles de pêche.
Un savoir-faire artisanal
Leur savoir-faire unique de gestes et de recettes dans la préparation des produits se déroule en trois étapes : le salage, le séchage et le fumage.
Chaque filet ou darne de poisson, chaque noix de saint-jacques, est salé à la main dans un savant mélange de sels différents, d’épices et de baies fraîchement moulues.
Le séchage en plusieurs étapes et à différentes températures s’apparente davantage à de l’affinage.
Le fumage est réalisé au bois d’arbres fruitiers (pour la variété des saveurs), « à la ficelle », méthode ancestrale et traditionnelle ce qui change tout. Et après avoir goûté je suis bien d’accord.
Ce savoir-faire permet de proposer des produits d’une rare fraîcheur.
L’origine des produits
Loin des pratiques de pêche industrielles, les poissons de méditerranée sont issus d’une pêche locale. Le bassin méditerranéen, riche et varié, est historiquement le lieu de pêche de flottilles côtières, de petites entreprises de pêche familiale. Leur travail est plus respectueux de la flore marine, de la diversité des espèces.
Pour le saumon, parmi leurs fournisseurs on a longtemps retrouvé Loch Duart en Ecosse, et même si depuis d’autres fournisseurs sont sans doute venus diversifier l’approvisionnement, voici un exemple de la philosophie associée : élevage indépendant au cœur des lochs marins écossais, détenteur du « Label Rouge » français et lauréat du premier prix « Taste of Britain » des produits alimentaires outre manche. L’élevage est aussi respectueux que possible de l’environnement et du poisson lui-même avec des conditions proches des naturelles dans un environnement non pollué et auto-régénéré. Pour en savoir plus sur leur philosophie :
- Elevage non intensif, interventions minimales et respect de l’environnement
- Programme de bien-être des saumons agréé par le système d’assurance qualité de la RSPCA
- De l’espace pour se développer: 98,5 % d’eau, 1,5 % de poissons
- Mise en jachère des bassins de 12 mois minimum au cours d’un cycle de 3 ans
- Sans antibiotiques ni anti-fouling
- Alimentation aussi proche de l’alimentation naturelle que possible, provient de sources naturelles et ne contient pas d’OGM
- 40 % d’Omega 3 de plus que la moyenne du saumon atlantique (USDA, Stirling University)
Vous reconnaîtrez un saumon de Loch Duart à sa chair ferme et maigre, à sa ligne svelte et dynamique et à ses nageoires bien développées. Il a grossi plus lentement dans des conditions plus naturelles… et vous pouvez savourer la différence. Au-delà des chiffres et des labels, Loch Duart c’est comme nous une équipe d’experts passionnés, ils aiment leur saumons et sont fiers de ce qu’ils nous vendent. Nous leur commandons des saumons de 5 kilos maximum, car nous trouvons que la chair est plus ferme et bien musclée.
Aperçu des produits et recettes proposés
Si en 2016 le principal produit était le saumon fumé, désormais régulièrement d’autres recettes innovantes ou ancestrales de poissons et coquillages fumés viennent s’ajouter, pour exciter notre curiosité gustative croissante. On a pu retrouver ainsi au fil des années anguilles, truites, espadon, mulet, cabillaud, saumon de fontaine, noix de Saint-Jacques (un vrai délice !). Et pour éviter les pannes d’inspiration, de nombreuses recettes sont proposées pour varier les plaisirs :
- Brochettes apéritif au saumon fumé
- Cabillaud fumé au safran et légumes printaniers
- Linguines aux asperges et dominos de saumon fumé
- Salade fraîcheur au saumon fumé
- Oeufs mimosa aux noix de saint-jacques fumées
- Makis de crêpes au saumon fumé pour un apéro festif
- Blinis saumon fumé
- Noix de saint-jacques fumées accompagnées de purée ou risotto
- Burger au saumon fumé
Où se procurer les produits Maison MATTHIEU ?
Si vous avez la chance d’habiter à proximité du lieu de production (en région marseillaise), vous pouvez retirer vos produits directement à l’atelier Maison MATTHIEU.
La livraison à domicile est également possible via un transport réfrigéré (vérifier les différentes possibilité lors de la commande).
Vous pouvez également retrouver les produits Maison MATTHIEU en épiceries et auprès de restaurateurs en Provence, à Paris et ailleurs en France.
Il y a bien eu d’autres tentatives de mode de distribution comme celle issue du projet Temps Gourmand, une belle aventure malheureusement terminée. Temps Gourmand était un beau projet destiné à proposer d’autres produits et recettes dans le même esprit de retrouver le niveau de qualité et de plaisir.
Il s’agissait de s’unir avec des artisans et paysans exigeants et passionnés au sein d’un nouveau modèle de consommation : chercher les plus beaux produits de nos régions et nous permettre de les présenter sur nos tables. Plus de recettes, plus de créateurs passionnés, plus d’occasions de se régaler, grâce à une organisation coopérative en circuit court, qui devait permettre de réduire les intermédiaires, les coûts de livraison et de distribution. Tous les acteurs devraient y être gagnants : une rémunération juste garantie à tous les créateurs, tout en proposant des recettes d’exception plus accessibles aux consommateurs que nous sommes. La pandémie a-t-elle eu raison de ce réseau ? Peut-être…
Quoi qu’il en soit n’hésitez pas à consulter la page, toujours accessible au moment où j’écris ces lignes, qui répertorie la liste des artisans producteurs tous de qualité. Les personnes, dont je fais partie, qui ont eu la chance de gouter leur produits vous le confirmeront.
Le rapport qualité/prix
Alors oui, globalement fort est de constater que le prix du saumon fumé a globalement augmenté. Mais si par curiosité vous comparez, en période de fêtes, avec les produits des linéaires similaires (Label Rouge) et compte tenu de la qualité des produits Maison Matthieu, il n’y a pas photo, à prix au kilo comparable le travail artisanal reste aussi abordable que le « haut de gamme » des supermarchés.
En 2019 Maison MATTHIEU a reçu en récompense le prix EPICURES d’or de l’épicerie fine et a été reconnu en 2020 comme Producteur Artisan de Qualité par le Collège Culinaire de France qui s’engage à défendre les métiers des producteurs artisans et à promouvoir les producteurs et artisans fédérés sur les mêmes visions et valeurs de qualité.
Maison Matthieu est également attachée aux moments de partage et s’applique autant que possible à organiser des événements pour se rencontrer, notamment chez leurs partenaires pour des instants dégustations, marchés gourmands… à suivre sur leur page Facebook.
Comment découper un saumon fumé entier ?
En bonus retrouvez en vidéo les précieux conseils sur la découpe du saumon : comme ça si vous optez pour un saumon entier et non pré tranché vous saurez comment faire.
Quel accord avec le saumon fumé ?
Et si comme moi vous vous êtes demandé quel vin pouvait s’accorder avec le saumon fumé, vous pouvez aller faire un tour sur la page dédiée de Sommelier Vins « Vin et saumon fumé » pour prendre conseil et réaliser vos propres expériences.
Pour ma part on m’a récemment aiguillé dans une direction vers laquelle je n’aurais pas osé aller, mais l’essai a finalement été transformé, j’ai été conquis et finalement mes convives aussi : direction l’Alsace avec un Gewurztraminer sec.
Alors Maison Matthieu, saumon fumé d’exception ? A vous d’en juger.
Régalez-vous ! Ce serait dommage de s’en priver…